Comme la pelote basque, l’espadrille est indissociable du Pays-Basque.
À Mauléon, plusieurs fabricants demeurent, parmi eux : Don Quichosse.
Véritable ambassadrice du Pays-Basque, l’espadrille est restée reine à Mauléon où elle a été fêtée le 15 août. Cette chaussure typique du Pays-Basque est fabriquée à partir de seulement trois matières premières naturelles : la jute, le latex pour la semelle et le coton pour la toile. Si Espelette a son piment et Itxassou sa cerise noire, on peut légitimement affirmer que Mauléon a son espadrille. Au point de trôner fièrement sur un rond-point à l’une des entrées de la cité souletine. Et juste à côté de ce rond-point, se présente un lieu qui lui est totalement dédié : l’entreprise « Don Quichosse », au sein de laquelle, Timothé Cangrand et ses 4 employés consacrent toute leur passion et leur amour. « Nous confectionnons la tresse, puis nous enchaînons avec le moulage de la semelle que nous cousons avant de procéder à sa vulcanisation. Ensuite nous avons toute la partie coupe que ce soit les toiles petites laizes pour les espadrilles classiques ou avec la presse pour les modèles plus sophistiqués : toile en grandes laizes ou cuir, puis nous avons toute la partie piquage avec Louise et Fabrice qui y sont spécifiquement affectés dans le cadre de l’assemblage » explique Timothé, gérant depuis 8 ans de la société. En plus de ses 4 employés, Timothé peut s’appuyer sur une quinzaine de couturières extérieures, à qui l’entreprise envoie chaque semaine, un lot d’espadrilles afin d’être « cousues main ». Si l’espadrille est un symbole de Mauléon, ce n’est pourtant pas là qu’elle naquit. En effet, au temps du roi d'Aragon en Espagne, les fantassins du roi portaient ce type de sandales appelées « alpargatas ». Il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que commence la fabrication de cette chaussure en France.
20 à 25 000 espadrilles conçues par an
Il a fallu attendre le XVIIIe siècle pour que commence la fabrication de cette chaussure en France. Des travailleuses ont émigré dans la commune de Mauléon pour lancer la production des premières paires d’espadrilles, faisant d’elle la capitale mondiale de l’espadrille puisqu’elle est aujourd’hui implantée notamment sur le marché japonais. Mais le plus gros de leur chiffre d’affaires, Timothé Cangrand et son équipe le font sur la vente directe, et sur ce plan il faut s’accrocher : « ça devient compliqué pour plusieurs raisons, la principale étant évidemment le pouvoir d’achat, il faut batailler ! » Le secret a été l’adaptation : « si nous n’avions fait qu’un mono produit, on n’existerait plus, nous avons su nous adapter en diversifiant notre offre, en proposant outre le traditionnel coton, des modèles en cuir mais également avec des semelles compensées ou entièrement en liège. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles idées, notre maintien passe impérativement par ce sens de l’innovation, sans évidemment oublier le traditionnel qui a toujours sa clientèle.» Au sein de son atelier de plus de 1 000 m² figure, outre un stock pour les magasins partenaires, un stock « internet », prêt à l’envoi, car l’entreprise a su également d’adapter aux nouvelles habitudes d’achats de la clientèle : « quand nous avons lancé notre vente par internet, nous avons vite compris qu’il nous fallait avoir du stock, car cette clientèle s’inscrit par définition dans l’immédiateté ». Au total, l’entreprise fabrique entre 20 et 25 000 espadrilles par an, depuis le modèle de base (comptez environ 20 euros) jusqu’à des modèles dits « uniques » et totalement sophistiqués (jusqu’à 90 euros) : « cela peut s’offrir pour marquer des occasions importantes » précise le gérant.
Fabrication mais aussi réparation
La vente directe on l’a dit représente la grosse majorité du C.A. : outre le magasin de Mauléon, l’entreprise en possède un autre à Ossès ouvert uniquement en saison, et travaille avec une trentaine de détaillants en France, au total cela représente environ 70 % des ventes réalisées. Durant les périodes moins denses (été principalement), l’atelier est totalement ouvert au public et permet aux consommateurs de choisir lui-même les matériaux pour son espadrille : « Vous pouvez choisir les différents composants, que l’on assemble dans la couleur désirée. » Car oui, autre temps autres mœurs, et autre preuve de l’adaptabilité des fabricants à la société. Autrefois l’espadrille avait son code couleur bien à elle : les blanches étaient portées le dimanche, quand les noires l’étaient sur le lieu de travail. On aime tant l’espadrille à Mauléon que l’on fait en sorte d’en prendre soin longtemps. Ainsi, chez Don Quichosse on procède à quelques « réparations » permettant l’allongement de la durée de vie de la demoiselle de Soule : « le cousu-main peut lâcher avec le temps, Philippe est là pour y remédier. Autre exemple, la semelle compensée peut, avec le temps, commencer à se détériorer et le client est attaché à sa chaussure. Dans un tel cas, on va changer la semelle et ça permet de repartir pour un tour, et franchement, on aime bien faire ça » conclut Timothé dans un large sourire. Le 15 août à Mauléon est synonyme de fête de l’espadrille. Pas question évidemment de manquer l’évènement, cette année encore, Don Quichosse était présent place des Allées pour faire des démonstrations de coutures afin et transmettre encore et toujours au plus grand nombre un savoir-faire qui est surtout une passion.
« La passion de Philippe : réparer les espadrilles pour leur prolonger la vie. »
« Lors de l'opération d'assemblage, Fabrice de manque jamais de piquant. »
« Timothé Cangrand au milieu de ses milliers d'espadrilles. »
Texte et photos : Fabrice Borowczyk